Repris à partir d'un article de la Voix de la Haute-Marne / Propos recueillis par Bertrand Puysségur 27.08.10
La Phrase « L’argile contient de l’eau qui arrivera à lécher les déchets ».
Selon la physicienne Monique Sené, il n’est pas possible de prévoir le comportement de l’eau dans l’argile de Bure. La chercheuse donnera une conférence ce samedi 28 août sur les déchets nucléaires. Beaucoup de questions restent donc encore en suspens.
Déchets nucléaires - Bure : "Il est prématuré d'enfouir"
Présidente du Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire, la physicienne Monique Sené donnera une conférence ce samedi 28 août sur les déchets nucléaires, non loin du site de Bure. Selon cette ancienne chercheuse au CNRS, les études en cours ne permettent pas d’entrevoir une solution d’enfouissement définitive.
Voix de la Haute-Marne : Quel sera le thème de votre intervention ?
Monique Sené. Ce seront quelques réflexions sur le devenir des déchets nucléaires. Bure est concerné par les HAVL, les déchets à vie longue et hautement radioactifs mais un nouveau centre de stockage est prévu également pour les FAVL de faible activité et à vie longue. J’aborderai la question de la réversibilité, du coût et de l’inventaire des déchets. Il faut savoir que cet inventaire est prévu jusqu’en 2020, après on ne sait pas la quantité que l’on produira.
Ce qui est sûr, c’est qu’à Bure, on ne pourra pas enfouir avant 50 ans pour un certain nombre de colis parce ce qu’ils sont trop chauds. Il y aura donc un entreposage en surface. Les quantités prévisibles de déchets sont difficiles à déterminer, tout cela repose quand même sur la production d’énergie de deux EPR et de 58 réacteurs.
Donc Bure ne sera pas suffisant…
C’est possible que Bure ne soit pas suffisant pour accueillir tous les déchets.
Faut-il privilégier l’enfouissement en profondeur ?
Il est prématuré d’enfouir à cause de la géologie. Nous n’avons pas de données suffisantes. De plus avec la question de la « réversibilité », on ne creuse pas de la même façon, cela demande beaucoup d’études qu’on n’a toujours pas. Nous sommes sur des échelles de temps qui ne sont pas humaines. Pour faire descendre la température des émetteurs alpha à vie moyenne de 400° C à 100° C, il faut 70 à 150 ans. Quant à l’uranium ou au plutonium, ce sont des centaines de milliers d’années…
Mais existe-t-il d’autres solutions ?
Ce serait de les entreposer en subsurface, c’est-à-dire à une quarantaine de mètres de façon à pouvoir accroître la surveillance. Là vous pouvez vérifier vos fûts. Ces containers ne vont pas tenir des millénaires ! Un entreposage permet d’intervenir plus facilement alors que des colis dégoulinants, même avec des robots, c’est très difficile à récupérer.
Saura-t-on un jour recycler les déchets nucléaires ?
Les techniques ne sont pas entièrement sûres. En ce qui concerne la transmutation, le processus est très lent. A la limite on peut maîtriser un gramme de déchet mais pas de manière industrielle et encore ceci n’est valable que pour les émetteurs alpha. Il faut d’abord limiter les déchets, sinon on va se retrouver assis sur une montagne. Il n’y a pas de solution rapide, c’est un problème que l’on prend seulement à bras-le-corps mais qui reste entier.
Quels sont les risques les plus dangereux en ce qui concerne Bure ?
C’est l’eau. L’argile contient de l’eau qui arrivera à lécher les déchets. Quelle est la vitesse de cette eau ? L’hydrologie est une question primordiale. En Suède ils ont fait le choix de les enterrer dans le granit. Il n’y a aucun exemple au monde de déchets nucléaires enfouis dans de l’argile. Il ne faut pas aller trop vite et être un peu moins formel.
Que pensez-vous des études menées par l’Andra ?
Il y a un certain nombre d’études mais on n’est toujours pas prêt. On doit réfléchir correctement. Est-ce qu’on est capable de juguler l’eau ? Juguler l’eau, c’est un peu juguler la nature. On n’est pas maître du temps, les prévisions sont impossibles. L’Andra fait des études mais elles restent un peu optimistes.
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